Petite histoire de l’open space

Conçu pour favoriser la collaboration et la communication entre les employés, l’open space, ou « espace de travail ouvert », est un espace de bureaux sans murs ni cloisons, où les employés travaillent ensemble dans une grande pièce commune.

Bien plus qu’une tendance, cette configuration est quasiment devenue une norme dans le monde entier, et les bureaux individuels sont désormais minoritaires dans beaucoup d’entreprises. Pourtant, ces espaces collectifs font depuis toujours, et de plus en plus, l’objet de polémiques. Retour sur la petite histoire de l’open space.

Entre communication et rentabilité

C’est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle que les premiers open spaces voient le jour aux Etats-Unis et à Londres, dans des immeubles exclusivement consacrés à l’administration. A l’époque, ces espaces ressemblent à d’immenses salles de classe, où dactylos et comptables alignés en rangs d’oignons travaillent sous l’œil d’un chef placé sur une estrade, l’idée étant alors principalement de rentabiliser l’espace foncier.

Mais c’est en Allemagne que les frères Eberhard et Wolfang Schnelle imaginent, dans les années 50, un espace sans cloison dans le but, cette fois, de favoriser la communication au sein de l’entreprise. Ils parlent alors de « bureau paysager » aménagé avec des plantes et un mobilier discret, où les employés peuvent se voir et échanger. Ce type d’open space était d’ailleurs souvent aménagé dans des usines ou des laboratoires de recherche, où les travailleurs devaient collaborer étroitement pour atteindre leurs objectifs.

Les premiers bureaux modulables, composés de panneaux et d’espaces de travail à hauteur variable, seront commercialisés en 1964 par l’entreprise Herman Miller. En 1968, le designer Robert Probst imaginera quant à lui le fameux « cubicle » ou bureau cabine, espace de travail à cloisons amovibles d’environ 1,50m de haut, qui permet de « s’isoler » tout en restant en contact avec ses collègues voisins ; une invention que son concepteur qualifiera lui-même à la fin de sa vie de « boite à sardines » !

Extrait du film Playtime de Jacques Tati – 1967

Un succès qui a ses limites

Mais ce sont bel et bien des considérations économiques qui feront le succès de l’open space, les espaces de travail ouverts permettant aux entreprises de loger plus d’employés dans un espace donné tout en réduisant les coûts de construction et d’entretien. Les premières tours de bureaux feront leur apparition en France dans les années 70, le défi étant, pour les aménageurs, de faire en sorte que tous les employés bénéficient de la lumière naturelle, nécessitant de créer de vastes espaces sans cloisons. Dans les années 80, l’engouement pour ce type de configuration est tel qu’on ne compte plus le nombre de banques, d’assurances et autres entreprises de services qui adoptent l’open space, en parfaite adéquation avec un discours managérial orienté vers la transparence et la communication.

Le système a cependant ses limites, et de nombreuses critiques vont rapidement se faire jour, ces vastes espaces étant souvent bruyants et distrayants pour ne pas dire stressants, nuisant également à la concentration et à la productivité des employés. On leur reproche aussi de rendre difficile la confidentialité et de porter atteinte à l’intimité. Pour la sociologue Thérèse Evette, « l’open space est à la fois l’aménagement le plus prisé des managers et le plus contesté par les employés ». Le livre « L’open space m’a tuer » publié en 2008, et la pièce « Open Space » écrite en 2014 par la comédienne Mathilde May pointent également du doigt les conséquences de ces espaces, devenus de véritables phénomènes de société.

De l’open space à l’espace collaboratif.

Face à ces critiques, de nombreuses entreprises ont commencé à repenser leurs espaces de travail, en cherchant à trouver le bon équilibre entre la collaboration et la concentration. Certaines sociétés ont ainsi adopté des espaces de travail hybrides, qui combinent des espaces ouverts avec des espaces fermés pour offrir aux employés une variété d’options de travail. Ces espaces, conçus et pensés pour répondre au mieux aux besoins des équipes, permettent ainsi une plus grande mobilité au sein de l’entreprise, chacun pouvant choisir son ambiance selon le travail à effectuer. Aujourd’hui, les bureaux sont moins modulables mais les salariés se déplacent plus au sein de l’entreprise ! Les grands plateaux à la mode dans les années 70 et 80 sont remplacés par des espaces ouverts mais de taille réduite qui rassemblent des personnes ayant réellement besoin de travailler ensemble, même de manière occasionnelle.

La démocratisation du travail hybride repose aujourd’hui en d’autres termes la question de la rentabilité des mètres carrés, et c’est l’idée même d’espace de travail qui doit être repensée. Dans tous les cas, l’aménagement des bureaux continuera d’évoluer pour répondre aux besoins changeants des entreprises.